Tout sur l’assurance décennale
Construire une maison est une opération complexe qui nécessite beaucoup de préparation et des ressources financières considérables. Pour obtenir un résultat satisfaisant à la fin de la construction, les artisans qui interviendront sur le chantier doivent être qualifiés, professionnels et expérimentés. De fait, il est capital de les sélectionner avec attention. Afin de bien choisir les spécialistes de la construction qui construiront votre maison, il faudra tenir compte de certains critères essentiels. L’un des critères auxquels vous devrez faire très attention est la souscription du constructeur à une assurance décennale. De quoi s’agit-il ? Pourquoi cette assurance est-elle aussi importante dans le secteur de la construction ? Faisons le point.
En quoi consiste la garantie décennale et qui est concerné ?
L’assurance ou garantie décennale est une assurance obligatoire pour les constructeurs. Elle a pour rôle d’assurer leur responsabilité envers le client. De fait, elle couvre pendant une période de 10 ans, à partir de la réception de l’ouvrage, les malfaçons qui compromettent sa solidité ou qui le rendent impropre à sa destination.
D’après la loi Spinetta, les constructeurs ainsi que tous les acteurs liés au maître d’ouvrage (le client), par un contrat, une convention ou un devis doivent souscrire une assurance décennale à compter de la date d’ouverture du chantier. De façon concrète, les professionnels du bâtiment concernés par cette assurance sont : les maîtres d’œuvre, les architectes, les contrôleurs techniques, les entreprises du bâtiment, les ingénieurs ainsi que les artisans auto entrepreneurs et ceux du bâtiment.
Selon la législation en vigueur, les sous-traitants n’ont pas l’obligation de souscrire une assurance décennale. Effectivement, puisqu’ils n’ont pas de lien direct avec le maître d’ouvrage, ils ne sont pas obligés de présenter cette assurance avant d’intervenir sur le chantier. Par conséquent, seuls les constructeurs ayant signé un contrat avec le client sont concernés et peuvent souscrire une assurance décennale en ligne pour se soumettre à cette obligation.
Par ailleurs, pour tous les contrats exécutés sur le territoire français par des spécialistes étrangers du bâtiment, la garantie décennale s’applique aussi. De fait, même si le constructeur que vous choisissez n’est pas français, ce dernier doit prouver qu’il dispose d’une assurance qui prend en charge la responsabilité décennale dans le respect de la loi française.
Sachez que la garantie décennale ne concerne pas seulement les constructeurs. S’il est vrai que ces derniers sont obligés de souscrire cette assurance, il est recommandé au maître d’ouvrage de souscrire également une assurance dommages-ouvrage. L’intérêt de cette garantie est qu’elle intervient dans le cas où surviennent des dommages de nature décennale sans que la responsabilité du constructeur soit engagée. En somme, cette assurance permet au propriétaire de la maison de financer les travaux de réparation ou de réhabilitation sans attendre qu’une décision de justice soit prononcée sur le sort de son bâtiment.
Que couvre la garantie décennale ?
Si cette assurance est exigée dans le domaine de la construction, c’est parce qu’elle assure la livraison d’un ouvrage solide au client. Cette garantie implique en effet, de la part de l’architecte ou du maître d’œuvre, l’obligation de la réparation des dommages pouvant compromettre la solidité d’un bâtiment au sens de l’article 1792-2 du Code civil :
- Affectant la bonne tenue de l’un des éléments d’équipement indissociables de l’ouvrage de fondation, de viabilité, de couvert, d’ossature ou de clos,
- Affectant l’ouvrage dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendant ainsi impropre à sa destination.
De fait, les éléments indissociables du bâtiment ou les éléments dissociables dont le dysfonctionnement rend le bâtiment impropre à sa destination sont aussi couverts par l’assurance décennale. Les autres éléments d’équipement de l’édifice font plutôt l’objet d’une garantie de bon fonctionnement d’une durée minimale de deux ans à compter de la réception du chantier.
Le propriétaire du bâtiment et les acheteurs successifs (particulier, professionnel, SCI, etc.) peuvent se prévaloir de cette assurance pendant une durée de 10 ans à partir du jour où les travaux ont été réceptionnés. En d’autres termes, le délai est de 9 ans à la fin de la période de validité de la garantie du parfait achèvement. La demande de financement des travaux de réparation peut soit être la décision du maître d’ouvrage lui-même, soit des propriétaires successifs. L’assureur dommages ouvrage exercera des recours contre la société d’assurance de responsabilité décennale afin d’obtenir le remboursement du préfinancement versé au propriétaire.
Les dommages pris en charge par l’assurance décennale
Sont pris en charge par la garantie décennale les dommages qui ne sont pas de cause étrangère et qui menacent la solidité de l’immeuble ou le rendent impropre à son utilisation de destination (glissement de terrain, fissures, problèmes d’étanchéité, etc.). Mais également les dommages qui sont causés à l’édifice du fait d’un matériel indissociable ou dissociable qui a pour effet de rendre le bâtiment impropre à sa destination. Enfin, les dommages causés lors de travaux de rénovation importants tels que la réfection d’une charpente.
Les dommages pris en charge par cette garantie concernent généralement les murs, la charpente de l’ouvrage, la toiture, etc. En conséquence, les dommages de nature esthétique comme les traces inesthétiques, les fissurations sans infiltrations ou encore la nuance dans la couleur d’un enduit ne sont pas couverts par cette assurance.
L’assurance décennale et les règles parasismiques
La garantie décennale couvre également les dégâts causés par un phénomène naturel tel qu’un séisme si le constructeur ne respecte pas les règles de construction parasismiques. Effectivement, l’architecte ou le maître d’œuvre a le devoir de respecter un ensemble d’obligations afin de conférer au bâtiment une résistance optimale en cas de séisme. Lorsqu’un tremblement de terre survient, il provoque des mouvements susceptibles de provoquer la chute ou la dégradation d’édifices si ceux-ci n’ont pas été construction selon les normes de construction parasismiques.
Par nature, les travaux permettant de rendre une construction conforme aux règles parasismiques entraînent des changements importants dans la structure du bâtiment. Si ces règles ne sont pas appliquées, le constructeur engage donc sa responsabilité décennale. À de multiples reprises, les juges ont eu à se prononcer sur la non-conformité d’une maison ou d’un immeuble aux normes parasismiques. Dans tous les cas, la société de construction a dû répondre de sa responsabilité au titre de l’assurance décennale si cela a provoqué des désordres de nature à compromettre la solidité de l’immeuble.
En outre, depuis 2010, la Cour de cassation estime que l’irrespect des règles parasismiques par le spécialiste de rénovation dans le cadre de la réhabilitation d’un ouvrage est un désordre de nature décennale. Ainsi, selon les juges de la Cour, toute modification considérable dans la structure d’un immeuble existant entraîne l’obligation pour le professionnel de la construction chargé de la rénovation de veiller au respect des normes parasismiques.
Comment faire jouer l’assurance décennale ?
Si vous constatez des dommages de nature décennale au niveau de votre immeuble construit il y a moins de 10 ans, vous pouvez peut-être profiter de sa réparation par le professionnel du bâtiment qui s’est chargé de la construction. Avant de vous engager dans une procédure de demande de financement au titre de l’assurance décennale, vous devez vérifier quelques points.
Assurez-vous que le type d’immeuble est bien couvert par la responsabilité décennale de l’architecte ou du maître d’œuvre l’ayant réalisé. Vérifiez que les dommages constatés sont assez graves. Comme nous l’avons évoqué précédemment, tous les dommages ne sont pas de nature décennale et ne sont donc pas couverts par la garantie décennale. Enfin, il est indispensable que les dommages aient été constatés durant la période de validité de cette assurance, soit 10 ans à compter de la date de réception de l’ouvrage.
Si ces trois conditions sont remplies, vous pouvez vous engager dans une procédure de demande de financement. Pour obtenir la réparation des dommages, il existe plusieurs voies de recours selon que vous ayez souscrit ou non à une assurance dommages-ouvrage.
Vous n’avez pas contracté un contrat d’assurance dommages-ouvrage
Il s’agit de la situation la plus courante. Même si la souscription de ce type de contrat, avant tous travaux de construction ou de rénovation, est obligatoire, encore trop peu de propriétaires se soumettent vraiment à cette obligation. Dans ce cas de figure, vous disposez de deux moyens pour obtenir la réparation des dommages en fonction de leur gravité et de la bonne volonté du constructeur. En premier, vous pouvez contacter directement le maître d’œuvre. Pour ce faire, vous devrez lui transmettre une mise en demeure de demande de réparation des dommages constatés au titre de la garantie décennale.
Cette mise en demeure permet de formaliser la demande de dédommagement au constructeur. Vous pourrez éventuellement en faire usage devant les tribunaux si nécessaire. Pour être valable sur le plan juridique, ce courrier doit comporter des informations précises ainsi que des images des dommages constatés, les copies des devis/facture/contrat/procès-verbal de réception de l’ouvrage. Vous pouvez également y joindre le rapport d’expertise des dégâts que vous avez demandé. L’envoi de cette lettre doit se faire par lettre recommandée avec accusé de réception.
Si le constructeur ne répond pas favorablement à votre mise en demeure, vous pouvez contacter directement son assureur en décennale. Votre courrier à la société d’assurance devra être transmis par lettre recommandée avec accusé de réception et comporter également des informations précises ainsi que les pièces annexes que vous avez jointes à la mise en demeure envoyée au constructeur. Afin d’éviter de commettre des erreurs qui pourraient vous être préjudiciables, nous vous recommandons de vous tourner vers un conseil juridique qui vous dirigera dans la réalisation des démarches nécessaires ou qui les effectuera à votre place.
Vous bénéficiez d’un contrat d’assurance dommages-ouvrage
Si vous avez souscrit une assurance dommages-ouvrage pour cet ouvrage, vous pouvez simplement déclarer un sinistre à votre assureur afin de bénéficier d’un préfinancement. Si vous décidez d’avoir recours aux services d’un expert pour l’évaluation du montant de la réparation des dommages, votre assureur acceptera de couvrir les dommages et vous proposera une première offre d’indemnité dans les 90 jours qui suivent la déclaration du sinistre.
Par la suite, votre société d’assurances engagera une procédure de recours envers l’assurance décennale du professionnel qui s’est chargé de la construction de l’ouvrage. Comme vous pouvez le constater, la souscription d’une assurance dommages-ouvrage vous permet d’être rapidement indemnisé en cas de sinistres provoqués par des malfaçons.
Quelles sont les réserves et limites de la garantie décennale ?
Avant de récupérer les clés de votre immeuble, effectuez la réception de l’ouvrage. Cette opération consiste à rédiger avec les entreprises qui sont intervenues sur votre chantier, un procès-verbal de réception des travaux. Ce document vous permettra d’avoir une trace manuscrite des travaux réalisés et de la date de fin du chantier. C’est donc à partir de ce moment que l’assurance décennale du constructeur prendra effet. De fait, si des dommages viennent à apparaître, vous aurez la possibilité de faire valoir le procès-verbal et prouver ainsi que votre action respecte la date légale.
Si vous constatez des anomalies au moment de la réception de l’ouvrage et que vous en faites part dans le document, sachez que cela ne rentre pas dans le cadre de l’assurance décennale. Ici, il faudra plutôt actionner la garantie de parfait achèvement qui dure un an. Elle est valable pour tous les vices cachés qui rendraient les caractéristiques de la maison différentes de ce qui était prévu dans le cahier des charges.
Afin de profiter de la couverture de l’assurance décennale de votre constructeur, vous devez vérifier son attestation. L’entreprise ou l’artisan peut en effet vous garantir qu’il/elle est bien assuré(e) alors qu’il n’en est rien. Évitez de les croire sur parole, même si vous avez confiance. N’oubliez pas que la confiance n’exclut pas le contrôle. Exigez donc l’attestation décennale de votre prestataire et vérifiez que les mentions suivantes sont bien présentes :
- mentions « attestations d’assurance » et « attestation d’assurance décennale obligatoire »,
- le nom, l’adresse et la dénomination sociale du constructeur,
- les coordonnées de la société d’assurance,
- le lieu et la date de délivrance de l’attestation,
- le numéro du contrat,
- la période de validité,
- les activités couvertes par l’assurance,
- le cachet et la signature de l’assureur
- le document ne doit pas comporter la mention « sous réserve du paiement de la prime ».
Voici donc l’essentiel à savoir sur l’assurance décennale.
A lire aussi : Zoom sur les assurances dédiées aux professionnels
Originally posted 2021-04-09 17:25:01.